Quel habitat pour les seniors de Riom Limagne et Volcans ?

Quel habitat pour les seniors de Riom Limagne et Volcans ?

Quel habitat pour les seniors de Riom Limagne et Volcans ?

Consciente des enjeux à venir de vieillissement de la population et des nouveaux modes de vie qui l’accompagnent, la communauté d’agglomération de Riom Limagne et Volcans (RLV), a confié à l’Agence d’urbanisme une étude sur l’habitat des seniors à l’échelle de son territoire. Celle-ci, menée de septembre 2021 à septembre 2022, s’est déroulée en trois phases (état des lieux et analyses des conditions d’habitat des seniors ; perspectives et positionnement sur le parcours résidentiel des seniors ; approche sociologique sur les attentes, freins et besoins des seniors). Elle dresse un portrait des ménages de plus de 60 ans de Riom Limagne et Volcans et aboutit à des pistes d’actions opérationnelles permettant de mieux anticiper le vieillissement de sa population. Plus largement, cette étude est l’occasion de mettre en avant les défis pour les territoires face au vieillissement annoncé de la population dans les années à venir et propose des solutions d’habitat adaptées à différents types de seniors qui peuvent être sources d’inspirations et d’enseignements pour d’autres territoires.

Adapter l’habitat au vieillissement démographique : un enjeu pour demain

D’ici 2050, la part des seniors dans la population de Riom Limagne et Volcans va s’accroître, passant de 27 % en 2020 à 31 % selon les projections de l’INSEE. Ce phénomène, sera également observable aux échelles : régionale (de 26 % à 31 % en AuRA) et nationale (de 26 % à 33 %). L’arrivée des dernières générations de baby-boomers dans la soixantaine explique en grande partie ce phénomène.

À Riom Limagne et Volcans comme ailleurs, l’avancement dans le grand âge s’accompagne d’une perte progressive d’autonomie. Les premiers signes de fragilité apparaissent en moyenne vers 75 ans, rendant difficile l’exécution des tâches du quotidien au sein du domicile (cuisiner, se vêtir, se laver…), mais aussi de son environnement proche (faire ses courses, se rendre à des rendez-vous…).

La croissance démographique des séniors va accroitre la dépendance et concernera l’ensemble des territoires. En France, 2 millions de personnes devraient être bénéficiaires de l’Aide Personnalisée d’Autonomie (APA) en 2040 contre 1,3 million fin 2018.

Les seniors actuels et les générations à venir sont de plus en plus enclins à vieillir à domicile. Il s’agit dans la majorité des cas d’une maison individuelle acquise au cours de leur vie et parfois peu adaptée à la perte d’autonomie (étage, baignoire, grand jardin difficile d’entretien…). Le modèle classique de l’EHPAD séduit de moins en moins et devient souvent le dernier recours en cas de forte perte d’autonomie. L’âge d’entrée dans ces structures est d’ailleurs de plus en plus tardif (85 ans et 2 mois en 2015 contre 84 ans et 5 mois en 2011).

Face à l’accroissement massif de la population senior et de la dépendance, les territoires mettent en place des solutions d’habitat adaptées et d’accompagnements, entre le tout domicile et le tout médical, permettant de préserver au mieux l’autonomie et de lutter contre l’isolement.

Permettre à chaque senior de choisir son parcours résidentiel

Les seniors constituent une population très hétérogène. De manière générale, plus les seniors avancent en âge, plus ils sont confrontés à l’isolement, à une diminution de leurs ressources et ont tendance à être de plus en plus réticents à l’idée de déménager. D’autre part, selon le contexte territorial, les problématiques liées à l’adaptation des logements des seniors sont différentes. Dans le cas de RLV, plusieurs profils de seniors peuvent être identifiés suivant les communes :

●  Les communes urbaines accueillent une proportion importante de personnes âgées vivant seules et avec peu de ressources. Ces communes concentrent les commerces, services et équipements, aussi l’enjeu sera d’y développer une offre de logements adaptés à la perte d’autonomie qui soit abordable.

● Dans les communes périurbaines, les seniors sont relativement aisés, mais résident dans de grandes maisons peu adaptées à la cellule familiale et à leur mode de vie actuel. L’enjeu sera davantage d’anticiper l’adaptation de leur logement et/ou de favoriser une mobilité résidentielle vers des solutions de logements en adéquation avec leurs nouveaux besoins.

● Enfin, dans les communes rurales, les personnes âgées sont plutôt modestes et occupent des logements anciens, énergivores, nécessitant souvent de lourds travaux qui viennent s’ajouter à ceux d’adaptation du logement à la perte d’autonomie et qui peuvent s’avérer difficiles à financer.

Les besoins et attentes des seniors quant à leur logement sont multiples : les solutions d’habitat mises en œuvre doivent être diversifiées pour permettre à chaque personne âgée de choisir son parcours résidentiel. Plusieurs solutions peuvent être envisagées pour favoriser le maintien à domicile des seniors. Il peut prendre différentes formes : il peut s’agir d’adapter son domicile historique à la perte d’autonomie lorsque ceci est possible ou de déménager vers une solution d’habitat adapté. En effet, vieillir à domicile ne signifie pas forcément vieillir dans son domicile familial.

Les aides et possibilités de choix résidentiels des seniors

Pour adapter son logement actuel, différentes aides peuvent être sollicitées par les ménages modestes pour financer les travaux : dispositifs Habiter Mieux pour la rénovation énergétique et Habiter Facile pour l’adaptation du logement au vieillissement ou à la perte d’autonomie mis en place par l’ANAH, ou encore des dispositifs mis en place par les collectivités que sont les OPAH-RU (Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat Renouvellement Urbain) ou les PIG (Programme d’Intérêt Général). Pour autant, l’un des problèmes majeurs pour permettre le recours à ces aides est souvent la méconnaissance de ces dispositifs par les publics concernés.

En terme d’offre nouvelle, l’offre de logements spécifique aux seniors s’est fortement développée ces dernières années.

Notamment les résidences services privées connaissent un essor important. Sur le territoire de RLV, deux résidences se sont implantées en 2021 et d’autres projets de ce type sont en cours. Si cette solution permet de répondre aux besoins d’une partie de la population seniors, elle ne peut constituer la seule solution développée, les coûts y sont souvent élevés et accessibles qu’à une petite frange de la population.

En ce sens, les solutions d’habitat adapté développées par les bailleurs sociaux constituent une forme d’habitat complémentaire intéressante à destination des seniors modestes, aujourd’hui encore inexplorées sur le territoire de RLV. Les logements proposés dans ces résidences affichent des loyers abordables, sont adaptés à la perte d’autonomie, et bénéficient de services (activités, présence quotidienne…).

D’autres solutions d’habitat plus ponctuelles à destination des seniors se sont également développées récemment : l’habitat intergénérationnel, lequel peut prendre plusieurs formes (cohabitation entre un étudiant ou jeune actif et un senior au domicile de ce dernier ; habitat participatif ; résidence intergénérationnelle) ou encore des formes d’habitat en petite communauté (collocation seniors portée par une structure privée ou associative ; accueil familial groupé).

Au vu de l’offre actuelle d’habitat à destination des seniors sur le territoire de RLV et du profil des personnes âgées, il paraît essentiel de diversifier l’offre existante et d’y créer une offre abordable répondant aux besoins d’une majorité des aînés. Pour autant, les logements en eux-mêmes ne sauraient suffire à eux seuls pour répondre à la problématique de l’habitat senior.

Accompagner les seniors vers les solutions d’habitat adapté

Freins psychologiques, limitation de la mobilité, dévalorisation du vieillissement… sont autant de facteurs qui peuvent restreindre les seniors dans leur capacité à se maintenir à leur domicile historique ou à envisager une transition vers une solution d’habitat adapté à la perte d’autonomie. Aussi, il paraît nécessaire d’accompagner les seniors dans leur maintien à domicile, au-delà d’une simple intervention sur l’offre de logements.

Cet accompagnement passe par des solutions permettant de favoriser la transition entre l’ancien et le nouveau logement adapté, le déménagement en lui-même au travers des coûts psychologiques et financiers, étant souvent perçu par la personne âgée comme une épreuve et constitue donc un frein à la mobilité résidentielle. Des structures (entreprises ou associations) proposent ainsi une assistance tout au long du processus de déménagement pour le vivre plus sereinement.

L’accompagnement au maintien à domicile passe aussi par le fait de favoriser la mobilité des seniors. En effet, bien que leur logement soit adapté à la perte d’autonomie, ceux-ci peuvent s’en retrouver captif, faute de pouvoir se déplacer en dehors de celui-ci. Mettre en œuvre des solutions de mobilité en porte à porte (transport à la demande, réseau de conducteurs bénévoles pour emmener des personnes âgées lors de courts trajets) permettrait de favoriser leur autonomie du quotidien (accès à des commerces et services) et la préservation de liens sociaux.

Enfin, accompagner les seniors vers des solutions d’habitat adapté passe aussi par une valorisation du vieillissement dans les consciences collectives. Celui-ci est encore trop souvent stéréotypé alors qu’il représente un vecteur d’opportunités et de dynamisme positif pour un territoire. Cette valorisation peut passer à la fois par le positionnement de la collectivité dans une démarche visant à faire du bien vieillir une clé d’attractivité du territoire, à l’image de la démarche Villes amies des aînés, mais peut aussi passer par une communication et une valorisation du vieillissement. Ceci permettant à la fois aux seniors de mieux connaître les services, aides, animations auxquels ils ont droit, mais aussi plus largement de faire évoluer l’image du vieillissement dans l’ensemble de la population. Ce dernier point est essentiel pour mieux faire connaître et mettre en avant les métiers et savoir-faire liés au vieillissement (silver économie).

Tester et adapter les solutions aux attentes et besoins des seniors

Une fois les solutions d’habitat et d’accompagnement identifiées, une enquête sociologique a été menée auprès d’une soixantaine de seniors (appui sur un prestataire extérieur) afin de confronter ces propositions avec les besoins et attentes des seniors en matière d’habitat, et de tester leur acceptabilité.

Sans surprise la majorité des seniors interrogés souhaitent se maintenir à domicile le plus longtemps possible. Seulement la moitié des seniors rapporte avoir réfléchi à l’avancée dans l’âge. Parmi ceux qui se projettent, les 2/3 voient leur avenir dans leur logement actuel. Le logement dans lequel ils se sont investis que ce soit sur le plan financier, affectif ou temporel se caractérise par un attachement fort.

Pour autant l’anticipation de l’avenir n’est pas exclue. Une partie non négligeable d’entre eux a déjà engagé ou compte lancer des travaux d’adaptation du logement à la perte d’autonomie. Les résultats du PIG en témoignent avec un taux de réalisation des objectifs sur le volet adaptation de +125%.

Parmi les 4 solutions d’habitat testées auprès du panel de seniors (l’habitat à loyer modéré, la résidence services senior, l’habitat intergénérationnel et l’accueil en colocation) les plus plébiscitées sont l’habitat à loyer abordable et l’habitat intergénérationnel. Ils recherchent en particulier le lien et le soutien social tout en maintenant une certaine indépendance et avec une garantie de sécurité (gardien/voisins). La question financière est également très présente.

Concernant les dispositifs d’accompagnement mis en œuvre par la collectivité en matière d’amélioration d’habitat et de mobilité, les seniors interrogés disent mal les connaitre et peu les utiliser. Plusieurs explications à cela : une communication insuffisante (notamment papier), des démarches trop complexes, souvent dématérialisées, ou des seuils de revenus trop élevés.

Ainsi pour conclure, les seniors suggèrent plusieurs souhaits ou propositions :

  • ●  Être accompagné dans les solutions pour concevoir un logement adapté (aide à la réflexion/conception, fascicule sur les aides financières) ;
  • ●  Être sensibilisé à l’avancée dans l’âge dès le départ à la retraite (comment bien vieillir, rencontrer des personnes, trouver des informations) ;
  • ●  Participer aux échanges et débats avec la collectivité (rencontres individuelles sur les aides existantes, conférences thématiques, témoignages de seniors, visites d’habitat).
Prendre en compte les caractéristiques territoriales

La conception d’une politique d’habitat senior requiert une approche élargie qui ne se cantonne pas à la question du logement. Les caractéristiques de l’environnement dans lequel se situe le logement conditionnent grandement la capacité d’une personne âgée à vieillir à domicile. Cet environnement doit être en mesure de lui fournir les conditions propices à la préservation de l’autonomie et du lien social. La localisation est donc un facteur clé de la réussite d’une politique d’habitat à destination des seniors.

La personne âgée doit pouvoir disposer dans son environnement proche des services, commerces et équipements de proximité dont elle a besoin de manière à y accéder à pied en toute sécurité ou en transports en commun adaptés. En outre, cet environnement doit lui permettre d’être intégrée socialement. Ceci passe aussi bien par la présence d’actions permettant de préserver le lien social (lieu de rencontre, lien entre les générations) que la possibilité d’accéder aux informations sur les dispositifs existants d’accompagnement et de pouvoir recourir à des services d’aides à la personne.

Tous les territoires n’étant pas égaux en termes de services, commerces, offre de santé et sociale, transports et déplacements, équipements de sports, loisirs et culture, certains apparaissent plus favorables au vieillissement que d’autres. Un premier travail d’identification des communes favorables au vieillissement de RLV a été mené dans le cadre de l’étude. Celui-ci, est une première catégorisation, basée uniquement sur des statistiques et nécessitera d’être approfondi avec les élus et acteurs du territoire. Pour autant, il permet d’identifier des solutions d’habitat plus adaptées à certaines communes que d’autres au regard de leurs caractéristiques : être vigilant à l’adéquation des solutions d’habitat envisagées avec les besoins du territoire est essentiel.

Ecouter les usagers de l’aide alimentaire pour construire une réponse adaptée à leurs besoins

Ecouter les usagers de l’aide alimentaire pour construire une réponse adaptée à leurs besoins

Ecouter les usagers de l’aide alimentaire pour construire une réponse adaptée à leurs besoins

Le parti-pris d’une méthode qualitative

Dans le cadre du travail d’état des lieux du secteur de l’aide alimentaire dans le Puy-de-Dôme réalisé en 2021 par l’agence d’urbanisme à la demande de la Direction de l’Emploi du Travail et des Solidarités (DDETS), plusieurs questionnements initiaux portaient sur les publics visés : quels profils de personnes utilisent l’aide alimentaire ? Quelle expérience en ont les usagers ? Les services répondent-ils à leurs besoins ? Ces questions avaient pour objectif d’identifier les angles morts, les points de progressions et les évolutions liées au contexte sanitaire.

Pour y répondre, l’agence d’urbanisme a proposé d’associer une enquête quantitative exploratoire réalisée auprès de 529 usagers sur l’ensemble du département à une approche qualitative donnant la parole aux usagers rencontrés. Cette seconde approche vise à expliquer et parfois illustrer les résultats quantitatifs. L’écoute des usagers s’est faite à travers une dizaine d’entretiens semi-directifs menés par des étudiants de l’ITSRA et de l’enquête flash pour laquelle un cinquième des enquêtés a répondu à des questions qualitatives ouvertes. Trois questions principales ont ainsi été posées : quelles difficultés rencontrez-vous pour vous alimenter ? Qu’est-ce qui vous permettrait de mieux manger ? Quelles améliorations souhaiteriez-vous voir apportées au système d’aide alimentaire ?

Si elle permet d’affiner les constats esquissés par les questions fermées, l’approche qualitative comporte néanmoins des biais. Certains proviennent de l’enquêteur lui-même, ou des personnes effectuant la lecture et le traitement des données, par exemple le biais de confirmation d’hypothèses.  D’autres proviennent des personnes qui s’expriment, comme celui de l’illusion biographique. Avoir le recul nécessaire sur ces biais est indispensable pour les dépasser et parvenir à objectiver le contenu des récits proposés. L’agence d’urbanisme a proposé une approche double : d’une part faire ressortir, les tendances, les éléments de langage et les discours qui revenaient de manière récurrente ; de l’autre isoler les propos singuliers mais dont le contenu permettait d’ouvrir une perspective ou une compréhension nouvelle des phénomènes observés.

Quelques exemples de nuances apportées à l’enquête par les questions ouvertes

Les questions qualitatives contribuent en premier lieu à approfondir certains éléments de la caractérisation des usagers. Leurs expériences vécues se recoupent sur différents aspects au premier rang desquels les difficultés financières. Si l’absence d’emploi, qui concerne 60% des personnes rencontrées, est une cause évidente de ce manque de ressource, les récits informent quant à eux sur les effets du poids des charges liées au logement, à la mobilité, à la santé, mentionnés comme des éléments grevant ponctuellement un budget, y compris pour les personnes en emploi ou ayant des ressources régulières (salaires, retraites, AAH…).

On décèle aussi, lorsque les usagers s’étendent sur la durée de leur fréquentation des services, leurs allées et venues au sein des services, à quel point avoir une famille ou des amis qui fréquentent également les services peut faciliter l’acceptation du recours au service. Un tiers des usagers se déclare orienté dans les services d’aide alimentaire par leur famille et amis, et certains discours expliquent ce phénomène par le récit d’un atavisme familial. A l’inverse, l’hypothèse couramment avancée d’un ressenti proche de la honte d’avoir recours aux services d’aide alimentaire n’a été que très marginalement confirmée par les usagers, voire dans certains cas, explicitement évincée.

Par ailleurs, si les résultats de l’enquête quantitatives sont très positifs : 95% des usagers rencontrés sont satisfaits des services, de l’accueil dans les structures, des quantités, des produits reçus, de leur qualité ou encore de leur diversité, les apports qualitatifs de la méthode permettent de nuancer ces résultats. En effet, la satisfaction exprimée est souvent associée à des notions telles que la reconnaissance, le sentiment d’être redevable et aussi, parfois un sentiment d’illégitimité à critiquer un service couvrant ce besoin fondamental. Plusieurs usagers constatent ainsi qu’ils n’ont : « pas le droit de se plaindre ».

D’un autre côté, les défauts du système sont minimisés par les enquêtés. Les produits périmés ou abimés, constatés par près de 40% des personnes rencontrées sont perçus dans les discours selon différentes perspectives : les usagers expriment une incapacité de choix et rappellent l’absence de responsabilités des associations, à qui les denrées s’imposent également, dans ce phénomène. A ce niveau, les propos oscillent entre une forme de résignation, une empathie envers les associations et leurs bénévoles ou encore une fierté de contribuer à la lutte contre le gaspillage. Les usagers préfèrent mettre en avant le caractère consommable des produits.

Parmi les autres éléments qui ressortent des paroles tenues, des ressentis déplaisants dominent dont les impacts psychologiques sur l’alimentation sont indéniables : dénigrement et mauvaise estime de soi, isolement, impuissance, fatalisme reviennent bien souvent, parfois associés avec une perte d’appétit et des formes plus ou moins lourdes de dépression. La manière dont l’aide répond au besoin premier de s’alimenter peut réduire ou renforcer ces ressentis négatifs, notamment pour ceux des usagers qui expriment le plus de griefs relationnels envers les associations ou les bénévoles. Les usagers qui expriment plutôt des ressentis plaisants sont minoritaires.

Des pistes d’action en deçà des besoins des usagers et du système de redistribution

L’enquête réalisée auprès des usagers des services d’aide alimentaire ne constitue qu’une partie des éléments pris en compte pour construire collectivement des pistes d’action. Les données factuelles sur la distribution des services dans le département, le nombre d’inscrits dans les services, des données de contexte et un travail d’écoute compréhensive des acteurs et travailleurs sociaux de l’aide alimentaire ont également été mobilisés à cet effet. Ce croisement des données et des regards vise à contrebalancer certaines limites de l’approche qualitative tout en maintenant la finesse d’analyse tant dans la diversité des points de vue exprimés que dans les apports d’un niveau de détail individuel.

Nous constatons à l’issue de ce travail, une tendance mise à jour par ces croisements, dont les difficultés du secteur social, notamment en termes de terminologie, témoignent. Ainsi, lorsque les acteurs expriment collectivement le souhait de supprimer de leur vocabulaire l’appellation de « bénéficiaires » pour désigner les personnes ayant recours à l’aide alimentaire, une des idées corrélée est celle d’un déséquilibre entre ceux qui donnent et ceux qui reçoivent. L’expression répétée de ce déséquilibre dans la parole des acteurs est également reflétée dans certains propos d’usagers. Cela pose la question d’une intériorisation de cette asymétrie.

Dans un système contraint sur le plan réglementaire qui rassemble des groupes d’acteurs et des défis relationnels variés, l’un des enjeux de ce secteur ne serait-il pas de sortir d’un structuralisme social qui l’encombre et freine son émancipation ? Les pistes d’action aujourd’hui énoncées : coordonner les acteurs et les actions, contribuer à l’autonomie des publics, mettre en place une action plus individualisée et lutter contre le non-recours, n’adressent pas encore le sujet sous cet angle.