Les squats dans le Puy-de-Dôme : cinq leviers pour améliorer la situation

Les squats dans le Puy-de-Dôme : cinq leviers pour améliorer la situation

Les squats dans le Puy-de-Dôme : cinq leviers pour améliorer la situation

Un besoin d’évaluer l’ampleur du phénomène

La situation relative aux squats et occupations illégales en général constitue un phénomène complexe. Il est propre à susciter un imaginaire dense de représentations négatives, connu essentiellement par la presse, dès lors qu’un évènement dramatique ou racoleur y survient (incendie, braquage…) ou par quelques évènements plus visibles, comme l’occupation de la place du 1er mai de 2018.

La réalité de la vie dans ces lieux où l’on trouve des familles contraintes d’opter pour cette solution d’abri est cependant bien différente de cet imaginaire. C’est pour mieux cerner et répondre à ces situations précaires que l’Agence d’urbanisme a mené un état des lieux des squats dans le département. Ce travail a été réalisé dans le cadre du plan quinquennal pour le « Logement d’abord » porté par le Conseil Départemental du Puy-de-Dôme et Clermont Auvergne Métropole en étroite collaboration avec les services de la Direction Départementale de l’Emploi, du Travail et des Solidarités.

Il a consisté à effectuer un recensement des squats et à proposer des solutions innovantes pour résoudre les difficultés des personnes y résidant. Cette mission s’est déroulée d’octobre 2021 à février 2022 et a mobilisé, Thomas Ott, à l’expertise reconnue pour ses expériences lyonnaises dans le domaine de l’habitat informel et de l’accès aux droits, notamment auprès de Médecins du Monde et de l’ALPIL.

Des squats plutôt diffus, en nombre limité, mais variés

Cette exploration a reposé sur la conduite d’entretiens auprès des acteurs qui travaillent dans le domaine de l’action sociale ou de personnes sans abri. L’appréhension globale de la situation requérait cette écoute des différents acteurs dont chacun ne dispose que d’une connaissance fragmentaire des squats du territoire. 

La première leçon à en retenir est le caractère diffus du phénomène. Estimé autour de 200 à 500 ménages, le nombre de situations identifiées est relativement faible, ce qui laisse penser que trouver des solutions pour sortir l’ensemble des personnes dans ces situations précaires est possible à envisager. Cependant, la diversité des situations représente un obstacle à la saisie du phénomène ainsi qu’à l’invention de solution.

En fait de squat, le département du Puy-de-Dôme se caractérise par une diversité de situation d’habitat refuge tel que le définit la Fondation Abbé Pierre. Chaque situation étant particulière, elle nécessiterait un accompagnement et des interventions ad hoc, ce qui interroge sur la lourdeur des dispositifs, notamment en termes d’accompagnement, à déployer pour répondre aux besoins des familles concernées. Les exemples rencontrés touchent aussi bien des squats d’habitation dans des logements ou locaux abandonnés que le cas des gens du voyage notamment des familles sédentarisées sur des aires d’accueil vétustes, des abris de fortune divers et des formes d’habitat non conforme (véhicule, cabane, grotte…).

Trois problématiques distinctes sur le département

Bien plus que le nombre de situations, ce qui pose problème est bien l’indignité des situations de vie et les nombreux autres besoins non satisfaits qui engendrent celui de recourir à l’habitat refuge : accès aux droits, à l’éducation, à l’emploi, problématiques en santé physique et mentale, accès aux services de base et à l’hygiène…

Parmi les phénomènes repérés, une typologie se dégage. Le premier cas de figure est urbain et touche principalement des personnes dites « sans droits ni titres » installées dans des locaux impropres à l’habitation, particulièrement dans la métropole clermontoise. Le second, plus dispersé dans le département se caractérise par des cas complexes sporadiques de ruptures de parcours, d’isolement qui peuvent s’entrecroiser avec des problématiques de qualité du logement (cabanisation, occupation de foncier non constructible…). Enfin, la dernière problématique est spécifique à l’accueil des gens du voyage. Sur un croissant qui part du Pays de Saint Eloy jusque Billom Communauté en passant par la métropole Clermontoise, les campements illégaux, l’errance, les occupations de terrains privés sont multiples.

Cinq points d’action par lesquels commencer

L’absence d’acteur spécialisé, le faible nombre d’acteur pratiquant l’aller-vers, le niveau de compétence faible des acteurs sur le volet juridique constituent autant de freins dans le département du Puy-de-Dôme à une action de réduction du recours à l’habitat refuge comme palliatif à une difficulté de logement. Le constat principal est celui d’une absence de réponse construite.

Des propositions pour initier la construction d’une réponse ont été esquissées. A partir d’une commande publique formulée et partagée, l’orientation et la coordination d’une action systématique d’aller-vers ainsi que le tissage d’un réseau de partenaires opérationnels proches du terrain, susceptible de produire une observation des besoins des personnes en squat, pourraient contribuer à une réduction rapide des situations d’habitat indigne. La construction d’une approche en droit, le renforcement de l’information sur les procédures, décisions et projets en cours ainsi que des actions de sécurisation de certains sites viendraient compléter ces dispositifs. Le contexte actuel de partenariats institutionnels dans le cadre du « Logement d’abord », de la révision du Plan Départemental d’Action pour le Logement et l’Hébergement des Personnes Défavorisées (PDALHPD) ainsi que de celle du Schéma Départemental d’Accueil des Gens du Voyage (SDAGV) constituent des opportunités favorables à la formulation explicite de cette commande.

Un « tour du Puy-de-Dôme » pour aborder le rôle des communes dans l’accès à l’alimentation pour tous

Un « tour du Puy-de-Dôme » pour aborder le rôle des communes dans l’accès à l’alimentation pour tous

Un « tour du Puy-de-Dôme » pour aborder le rôle des communes dans l’accès à l’alimentation pour tous

Municipalités et alimentation : un couple réaffirmé

S’alimenter demain est un enjeu majeur qui interroge la résilience tout comme l’organisation territoriale. D’ailleurs, le rôle des communes et des établissements publics de coopération intercommunale dans l’alimentation de leur population s’affirme progressivement à travers des outils comme les projets alimentaires territoriaux et le travail sur différentes thématiques : développer l’agriculture locale, le manger sain, travailler sur les circuits et flux des denrées alimentaires… Cette responsabilité est inscrite de facto dans les activités des élus territoriaux puisque les choix opérés dans les documents d’urbanisme, la gestion des établissements primaires, les activités des centres communaux ou intercommunaux d’action sociale touchent déjà à la question d’accès à l’alimentation, et idéalement, à une alimentation saine pour les consommateurs et vertueuse pour l’environnement. Le contexte actuel de crise climatique, environnementale, sociale et sanitaire fait redécouvrir le sujet. Le regain d’intérêt pour le local induit par les confinements successifs, la prise de conscience de la dépendance alimentaire générée par un système globalisé, l’augmentation de la précarité et du nombre de personnes exposées à l’insécurité alimentaire lui confèrent une ampleur nouvelle.

Mieux connaître le rôle actuel des CCAS et CIAS en matière d’accès à l’alimentation des publics précaires

Favoriser un meilleur accès à une alimentation de qualité aux publics précaires sur l’ensemble du département est un enjeu. La connaissance des activités des CCAS et CIAS en matière d’accès à l’alimentation des populations précaires constituait un complément à apporter à l’état des lieux réalisé en 2021 par l’Agence d’urbanisme sur l’aide alimentaire dans le Puy-de-Dôme. Une opportunité de le faire s’est présentée à l’occasion d’un partenariat avec l’Union Départementale des CCAS du Puy-de-Dôme, désireux de mettre en avant cette thématique en 2022 dans le cadre des animations proposées annuellement à ses adhérents et, plus largement, à toutes les communes du département.

C’est pourquoi l’Agence d’urbanisme et l’UDDCAS ont élaboré un questionnaire à destination de toutes les structures communales et intercommunales à vocation sociale du Puy-de-Dôme avec le concours d’un groupe de travail composé de responsables (élus et directeurs) de l’action sociale communale. Cette enquête visait plusieurs objectifs : mieux connaître les différents dispositifs d’aide alimentaire sur l’ensemble du département du Puy-de-Dôme portés par les CCAS et CIAS, réaliser une cartographie des dispositifs, repérer d’éventuelles zones blanches… Elle s’est déroulée en ligne de mars à mai 2022. Plus d’une centaine de structures ont répondu.

Construire ensemble des pistes d’action

La présentation des résultats de cette enquête, assortie des leçons apprises de l’état des lieux réalisé en 2021 par l’Agence, fait l’objet d’un travail conjoint entre l’UDCCAS, l’Agence d’urbanisme et l’association Solinum.  Actuellement en charge du déploiement du Soliguide, un outil numérique dédié à la cartographie des services d’aide aux populations précaires, cette association viendra présenter comment l’accès à l’information sur les services peut contribuer au déploiement local au cours de sept réunions organisées de fin juin à début juillet sur l’ensemble du département.

Ces réunions de présentation doivent informer sur les systèmes d’aide existant localement mais aussi réunir les acteurs autour du faire ensemble pour construire en concertation des réponses adaptées aux besoins et aux capacités de chacun de ces territoires. Ce travail collaboratif a pour objectif de faire remonter aux différentes institutions l’information collectée concernant les enjeux et les problématiques locales.

Les maires, directeurs des services, associations et centres de distribution locaux, Maisons des Solidarités et Directions Territoriales des Solidarités de chacun des territoires y sont déjà conviés.

Le programme de ces réunions territorialisées est le suivant :

  • Territoire d’Ambert Livradois Forez le 21 juin de 9h30 à 12h30 à Arlanc.
  • Territoire de la Dore (Thiers Dore et Montagne, Entre Dore et Allier), le 21 juin de 14h00 à 17h00 à Thiers.
  • Territoire sud (Agglo Pays d’Issoire, Mond’Arverne Communauté et Billom Communauté) le 22 juin de 14h00 à 17h00 à Vic-le-Comte.
  • Territoire de la Limagne (Riom Limagne et Volcans et Plaine Limagne) le 24 Juin de 9h30 à 12h30 à Ennezat.
  • Territoire du Sancy (Massif du Sancy et Dôme Sancy Artense) le 28 juin de 14h00 à 17h00 à La Tour d’Auvergne.
  • Territoire des Combrailles (Chavanon Combrailles et Volcans, Combrailles Sioule et Morge et Pays de Saint Eloy) le 29 juin de 9h00 à 12h00 à Saint-Gervais d’Auvergne.
  • Territoire métropolitain (Clermont Auvergne Métropole) le 29 juin de 14h30 à 17h30 à Clermont-Ferrand.

Pour tout renseignement ou demande d’inscription sur une ou plusieurs de ces réunions, les personnes suivantes peuvent être contactées :

Violaine Colonna d’Istria pour l’Agence d’urbanisme : vcolonna@audcm.org

Jacob Guimont pour l’UDCCAS : udccas@ccas-clermont-ferrand.fr

Ecouter les usagers de l’aide alimentaire pour construire une réponse adaptée à leurs besoins

Ecouter les usagers de l’aide alimentaire pour construire une réponse adaptée à leurs besoins

Ecouter les usagers de l’aide alimentaire pour construire une réponse adaptée à leurs besoins

Le parti-pris d’une méthode qualitative

Dans le cadre du travail d’état des lieux du secteur de l’aide alimentaire dans le Puy-de-Dôme réalisé en 2021 par l’agence d’urbanisme à la demande de la Direction de l’Emploi du Travail et des Solidarités (DDETS), plusieurs questionnements initiaux portaient sur les publics visés : quels profils de personnes utilisent l’aide alimentaire ? Quelle expérience en ont les usagers ? Les services répondent-ils à leurs besoins ? Ces questions avaient pour objectif d’identifier les angles morts, les points de progressions et les évolutions liées au contexte sanitaire.

Pour y répondre, l’agence d’urbanisme a proposé d’associer une enquête quantitative exploratoire réalisée auprès de 529 usagers sur l’ensemble du département à une approche qualitative donnant la parole aux usagers rencontrés. Cette seconde approche vise à expliquer et parfois illustrer les résultats quantitatifs. L’écoute des usagers s’est faite à travers une dizaine d’entretiens semi-directifs menés par des étudiants de l’ITSRA et de l’enquête flash pour laquelle un cinquième des enquêtés a répondu à des questions qualitatives ouvertes. Trois questions principales ont ainsi été posées : quelles difficultés rencontrez-vous pour vous alimenter ? Qu’est-ce qui vous permettrait de mieux manger ? Quelles améliorations souhaiteriez-vous voir apportées au système d’aide alimentaire ?

Si elle permet d’affiner les constats esquissés par les questions fermées, l’approche qualitative comporte néanmoins des biais. Certains proviennent de l’enquêteur lui-même, ou des personnes effectuant la lecture et le traitement des données, par exemple le biais de confirmation d’hypothèses.  D’autres proviennent des personnes qui s’expriment, comme celui de l’illusion biographique. Avoir le recul nécessaire sur ces biais est indispensable pour les dépasser et parvenir à objectiver le contenu des récits proposés. L’agence d’urbanisme a proposé une approche double : d’une part faire ressortir, les tendances, les éléments de langage et les discours qui revenaient de manière récurrente ; de l’autre isoler les propos singuliers mais dont le contenu permettait d’ouvrir une perspective ou une compréhension nouvelle des phénomènes observés.

Quelques exemples de nuances apportées à l’enquête par les questions ouvertes

Les questions qualitatives contribuent en premier lieu à approfondir certains éléments de la caractérisation des usagers. Leurs expériences vécues se recoupent sur différents aspects au premier rang desquels les difficultés financières. Si l’absence d’emploi, qui concerne 60% des personnes rencontrées, est une cause évidente de ce manque de ressource, les récits informent quant à eux sur les effets du poids des charges liées au logement, à la mobilité, à la santé, mentionnés comme des éléments grevant ponctuellement un budget, y compris pour les personnes en emploi ou ayant des ressources régulières (salaires, retraites, AAH…).

On décèle aussi, lorsque les usagers s’étendent sur la durée de leur fréquentation des services, leurs allées et venues au sein des services, à quel point avoir une famille ou des amis qui fréquentent également les services peut faciliter l’acceptation du recours au service. Un tiers des usagers se déclare orienté dans les services d’aide alimentaire par leur famille et amis, et certains discours expliquent ce phénomène par le récit d’un atavisme familial. A l’inverse, l’hypothèse couramment avancée d’un ressenti proche de la honte d’avoir recours aux services d’aide alimentaire n’a été que très marginalement confirmée par les usagers, voire dans certains cas, explicitement évincée.

Par ailleurs, si les résultats de l’enquête quantitatives sont très positifs : 95% des usagers rencontrés sont satisfaits des services, de l’accueil dans les structures, des quantités, des produits reçus, de leur qualité ou encore de leur diversité, les apports qualitatifs de la méthode permettent de nuancer ces résultats. En effet, la satisfaction exprimée est souvent associée à des notions telles que la reconnaissance, le sentiment d’être redevable et aussi, parfois un sentiment d’illégitimité à critiquer un service couvrant ce besoin fondamental. Plusieurs usagers constatent ainsi qu’ils n’ont : « pas le droit de se plaindre ».

D’un autre côté, les défauts du système sont minimisés par les enquêtés. Les produits périmés ou abimés, constatés par près de 40% des personnes rencontrées sont perçus dans les discours selon différentes perspectives : les usagers expriment une incapacité de choix et rappellent l’absence de responsabilités des associations, à qui les denrées s’imposent également, dans ce phénomène. A ce niveau, les propos oscillent entre une forme de résignation, une empathie envers les associations et leurs bénévoles ou encore une fierté de contribuer à la lutte contre le gaspillage. Les usagers préfèrent mettre en avant le caractère consommable des produits.

Parmi les autres éléments qui ressortent des paroles tenues, des ressentis déplaisants dominent dont les impacts psychologiques sur l’alimentation sont indéniables : dénigrement et mauvaise estime de soi, isolement, impuissance, fatalisme reviennent bien souvent, parfois associés avec une perte d’appétit et des formes plus ou moins lourdes de dépression. La manière dont l’aide répond au besoin premier de s’alimenter peut réduire ou renforcer ces ressentis négatifs, notamment pour ceux des usagers qui expriment le plus de griefs relationnels envers les associations ou les bénévoles. Les usagers qui expriment plutôt des ressentis plaisants sont minoritaires.

Des pistes d’action en deçà des besoins des usagers et du système de redistribution

L’enquête réalisée auprès des usagers des services d’aide alimentaire ne constitue qu’une partie des éléments pris en compte pour construire collectivement des pistes d’action. Les données factuelles sur la distribution des services dans le département, le nombre d’inscrits dans les services, des données de contexte et un travail d’écoute compréhensive des acteurs et travailleurs sociaux de l’aide alimentaire ont également été mobilisés à cet effet. Ce croisement des données et des regards vise à contrebalancer certaines limites de l’approche qualitative tout en maintenant la finesse d’analyse tant dans la diversité des points de vue exprimés que dans les apports d’un niveau de détail individuel.

Nous constatons à l’issue de ce travail, une tendance mise à jour par ces croisements, dont les difficultés du secteur social, notamment en termes de terminologie, témoignent. Ainsi, lorsque les acteurs expriment collectivement le souhait de supprimer de leur vocabulaire l’appellation de « bénéficiaires » pour désigner les personnes ayant recours à l’aide alimentaire, une des idées corrélée est celle d’un déséquilibre entre ceux qui donnent et ceux qui reçoivent. L’expression répétée de ce déséquilibre dans la parole des acteurs est également reflétée dans certains propos d’usagers. Cela pose la question d’une intériorisation de cette asymétrie.

Dans un système contraint sur le plan réglementaire qui rassemble des groupes d’acteurs et des défis relationnels variés, l’un des enjeux de ce secteur ne serait-il pas de sortir d’un structuralisme social qui l’encombre et freine son émancipation ? Les pistes d’action aujourd’hui énoncées : coordonner les acteurs et les actions, contribuer à l’autonomie des publics, mettre en place une action plus individualisée et lutter contre le non-recours, n’adressent pas encore le sujet sous cet angle.

Etat des lieux de l’aide alimentaire dans le Puy-de-Dôme

Etat des lieux de l’aide alimentaire dans le Puy-de-Dôme

Etat des lieux de l’aide alimentaire dans le Puy-de-Dôme

Des effets de la COVID sur la précarité à une étude sur l’aide alimentaire

L’année 2020, marquée par la pandémie de COVID 19 et les confinements successifs, a fait émerger des craintes concernant les publics défavorisés. Cette période a révélé une aggravation de la grande précarité, l’apparition de nouveaux publics par le basculement en dessous du seuil de pauvreté de personnes qui jusqu’alors parvenaient à se maintenir au-dessus ainsi que la réduction des capacités des associations à fonctionner, à collecter des dons ou à augmenter leurs ressources financières par l’évènementiel. 

Partant de ce constat, la DDETS du Puy-de-Dôme, soucieuse d’assurer au mieux sa mission d’aide aux plus démunis, définie dans la déclinaison locale de la stratégie de lutte contre la pauvreté, a mandaté l’agence d’urbanisme pour produire un état des lieux de l’aide alimentaire dans le Puy-de-Dôme et contribuer à proposer des pistes d’actions innovantes pour améliorer l’accès à l’alimentation pour tous. 

En 2021, l’agence a déployé différents outils d’observation, pour apporter une connaissance sur le fonctionnement de l’aide alimentaire dans le département, pour recueillir les perceptions qu’en ont les acteurs, bénévoles et usagers ainsi que pour caractériser et mieux connaître les publics fréquentant les services et leurs besoins spécifiques.

Un système d’aide alimentaire contraint et morcelé

L’aide alimentaire dans le Puy-de-Dôme repose principalement sur les associations habilitées nationalement ou localement. Les 29 associations menant cette mission gèrent près de 70 points d’accès à l’aide alimentaire, répartis inégalement sur le territoire, avec une forte concentration sur la commune de Clermont-Ferrand. Par conséquent, c’est aussi à Clermont-Ferrand que se rencontre la plus grande diversité de services. Les autres lieux du département privilégient le modèle de l’épicerie sociale et surtout celui du centre de distribution. Ils se situent dans les principaux centres urbains : Issoire, Riom, Ambert, Thiers, Saint-Eloy-les-Mines même si quelques communes de moindre importance comme Lezoux, Billom, Cournon-d’Auvergne et Saint-Amant-Tallende disposent aussi de points d’accès. Par ailleurs, 14 CCAS ou CIAS sont également identifiés comme partenaires de la Banque Alimentaire d’Auvergne, dont certains assurent des distributions alimentaires en nature. Les initiatives innovantes, comme les restaurants d’insertion à vocation sociale (sur le modèle de Toque Académie), les épiceries solidaires ou les marchés populaires, sont relativement limitées sur le territoire.

Le fonctionnement du système repose aujourd’hui sur l’organisation de collectes ponctuelles de denrées ou de pratiques régulières dites de « ramasse » auprès des acteurs de la grande distribution. Pour une grande partie des associations, c’est la Banque Alimentaire d’Auvergne qui centralise cette ramasse et redistribue, en fonction du nombre d’adhérents déclarés, les 900 tonnes d’aliments collectées chaque année. Certaines associations, comme les Restos du Cœur, fonctionnent séparément grâce à leur réseau national, qui inclue un circuit de fourniture de denrées. D’autres sources complémentaires sont les achats de produits financés par les fonds propres des associations, ou par le Fond Européen d’Aide aux plus Démunis (FEAD) dont la loi interdit la revente, même à tarifs symboliques. Peu de perméabilités existent aujourd’hui avec d’autres acteurs du système alimentaire comme les producteurs, les nombreux marchés du territoire ou les acteurs du secteur de la santé.

Ce paysage associatif et institutionnel, à la fois contraint et morcelé, freine les coopérations entre acteurs de l’aide alimentaire, qui peuvent facilement s’opposer sur des conflits de moyens davantage que de valeurs. Des tensions diverses sont constatées, qui produisent de l’insatisfaction. En témoigne le regard porté contre les « profiteurs » supposés du système, qu’ils soient usagers en capacité de tirer le meilleur parti des distributions à leur avantage ou acteurs de la grande distribution. Ces derniers sont perçus comme les grands bénéficiaires du système de défiscalisation des denrées comme des mesures « antigaspi », issues de la loi Egalim, autorisant la vente de denrées à date de péremption proche à prix réduits. 

Les conséquences pour les acteurs associatifs sont multiples. Aux denrées imposées aux associations qui regrettent leur faible cohérence ou qualités nutritionnelles s’ajoutent des contraintes logistiques de fonctionnement en flux tendu et les exigences toujours plus nombreuses des financeurs qui imposent une professionnalisation du secteur, dont le fonctionnement dépend pourtant largement des bénévoles. 

Une diversité d’usagers et de besoins dans le Puy-de-Dôme

Au cours d’une enquête menée auprès des personnes fréquentant les lieux d’accès à l’aide alimentaire, 529 personnes ont été rencontrées. La raison principale de leur recours est le manque de ressources financières, qui peut avoir plusieurs origines. L’absence d’activité professionnelle est une cause première, néanmoins, les usagers rencontrés sont variés et les personnes en emploi ou touchant une pension de retraite représentent presque 15% des personnes rencontrées. Quand chaque centime compte, les frais liés au logement, à la santé, au carburant et imprévus de parcours conduisent ces personnes vers l’aide alimentaire.

Constat alarmant, près d’un cinquième des ménages rencontrés demeure en situation d’insécurité alimentaire malgré ce recours, c’est-à-dire, sont amenés à manquer régulièrement des repas pour des raisons financières. Si 95% des usagers se disent satisfaits de l’aide alimentaire, tant en quantité, qu’en qualité et en diversité, on observe néanmoins différentes stratégies compensant des manques. Ainsi, fréquenter plusieurs associations concerne deux-tiers des usagers. Le mauvais état des produits est souvent déploré. Enfin, le risque d’enlisement dans une aide alimentaire qui devient structurelle pour les familles est réel, avec plus d’un quart des usagers qui fréquente cette aide (en théorie « d’urgence ») depuis plus de trois ans.

L’étude conduite par l’agence a révélé quatre profils qui constituent la partie visible des usagers de l’aide alimentaire : les « nouveaux venus », les « habitués », les « dépendants » et les « invisibles ». Ces profils se distinguent entre autre par leur âge, la durée de leur fréquentation de l’aide alimentaire et leur structure familiale.

Au-delà du besoin premier de s’alimenter, c’est tout un équilibre budgétaire et familial qui est visé par les ménages qui s’adressent à l’aide alimentaire : produits d’hygiène, vêtements, accompagnement social, loisirs, fournitures scolaires mais aussi activités sociales sont autant de prestations complémentaires souhaitées. 

Des besoins émergents sont tout juste entraperçus : par exemple les effets secondaires des décohabitations, le vide d’aide sociale concernant la charge ponctuelle des enfants d’un ménage pratiquant la garde partagée, ou encore les coûts associés aux mobilités alors que ceux des logements poussent les ménages précaires vers des zones peu connectées… 

Un premier pas : la définition collective d’enjeux et de pistes opérationnelles

L’aboutissement de cette étude par un travail collectif de proposition de pistes d’actions potentielles constitue un premier pas vers une coordination, amorce de partenariats potentiels. A l’occasion de deux ateliers de travail qui se sont tenus fin 2021, quatre axes d’amélioration ont été définis par une quarantaine d’acteurs du territoire :

● Augmenter la coordination, la coopération, l’interconnaissance entre les acteurs notamment par le transfert de compétence, l’analyse de la pratique et une meilleure maîtrise des activités associative.

Mettre l’accent sur la qualité de l’alimentation et son rapport à la santé en multipliant les partenariats avec les acteurs locaux, dont les producteurs et maraîchers.

Renforcer l’autonomie des publics en assumant l’aide alimentaire comme porte d’entrée vers un accompagnement social plus global.

Réduire la distance entre les services et les publics, d’une part en renforçant l’inconditionnalité et l’empathie de l’accueil, de l’autre, en luttant contre le non recours.

Au-delà du partage de certaines valeurs et d’objectifs communs, le travail en partenariat et la mise en marche d’actions coordonnées sont des processus longs, qui comportent des phases d’avancées, mais aussi de recul ou de stagnation. Les attentes très fortes et le haut niveau de satisfaction exprimé par les acteurs après avoir travaillé ensemble augurent des relations fécondes pour la suite, tant que les conditions du dialogue et d’écoute des besoins des différentes parties prenantes seront réunies.

Les perspectives de mise en œuvre sont aujourd’hui explorées par l’Etat, pour 2022, en fonction des financements disponibles.

L’expérience d’un contrat territorial pour accueillir les réfugiés à Clermont-Ferrand

L’expérience d’un contrat territorial pour accueillir les réfugiés à Clermont-Ferrand

L’expérience d’un contrat territorial pour accueillir les réfugiés à Clermont-Ferrand

Le conflit entre la Russie et l’Ukraine remet sur le devant de la scène publique et politique la question de l’accueil des réfugiés, de manière encore plus vive que la prise du pouvoir par les Talibans en Afghanistan fin 2021. Il ne s’agit pourtant que de la partie la plus immédiatement visible du besoin, celle qui est exposée le plus largement dans les journaux.

En 2020, ce sont bien plus de 90.000 personnes ayant fait une demande d’asile en France, provenant de nombreux pays (Afghanistan, Bangladesh, Pakistan, Guinée, Turquie, Côte d’Ivoire, Haïti, Congo…) pour échapper à la guerre, à la famine, aux persécutions de masses ou individuelles et obtenir le statut de réfugié. Les projections hasardées, par exemple par la Banque Mondiale, concernant les flux de réfugiés à accueillir dans les années à venir, et notamment les réfugiés climatiques, peuvent paraître alarmantes.

Un contrat territorial d’accueil pour traduire les engagements de Clermont-Ferrand

En 2018, forte de son passé de cité construite en partie par son immigration et dans une volonté de confirmer ses valeurs d’humanisme et d’asile, la ville de Clermont-Ferrand a signé avec la Délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés (DIAIR) et avec les services déconcentrés de l’Etat représentés par la Direction Départementale de l’Emploi du Travail et des Solidarités (DDETS) son premier contrat territorial d’accueil et d’intégration des réfugiés (CTAIR). Près de 450 personnes avaient, à cette date, le statut de réfugiés dans le département du Puy-de-Dôme.

L’Agence d’urbanisme et de développement Clermont Métropole a alors été mandatée par la Ville de Clermont-Ferrand pour mener l’évaluation en continu de son CTAIR, en étroite liaison avec la mise en œuvre du projet. Durant toute la durée du projet, l’équipe de l’agence a ainsi suivi, accompagné et fourni des outils afin de mesurer les effets des projets mis en œuvre sur l’amélioration des parcours d’intégration des personnes réfugiées sur le territoire.

 

L’objectif initial ambitieux que le CTAIR clermontois s’était fixé était d’améliorer la vie des réfugiés en levant les obstacles à leur intégration dans tous les domaines. Cet objectif a été poursuivi à travers trois axes complémentaires : mettre les personnes réfugiées au cœur du contrat, coordonner les acteurs du territoire, mobiliser les dispositifs existants et créer de nouvelles actions susceptibles de lever les freins à l’intégration.

L’originalité du CTAIR clermontois consiste à partir des personnes réfugiées et des problèmes concrets que celles-ci rencontrent au quotidien pour bâtir des solutions adaptées à chacune des situations de blocage identifiées.

L’évaluation du Contrat territorial d’accueil et d’intégration des réfugiés

L’équipe de maîtrise d’œuvre urbaine et sociale dédiée à la mise en œuvre du contrat a démarré son travail par l’identification et la définition d’une cohorte de réfugiés, par l’entremise de certains acteurs associatifs du territoire. Une centaine de personnes, rencontrées au début du projet ont ainsi pu témoigner des freins à leur intégration, auprès de l’équipe de la ville, mais aussi, plus largement, des acteurs associatifs et institutionnels du territoire.

Mises sur le devant de la scène, les personnes réfugiées, suivies d’un point de vue sociologique par la ville, ont tour à tour été source de témoignages, d’études de cas, participantes ou observatrices dans des instances décisionnelles et institutionnelles ou encore coproductrices d’actions qui leur étaient destinées.

C’est l’amorce d’un changement structurel des modèles décisionnels qui est ainsi proposé et qui met au cœur des réalisations les personnes pour lesquelles celles-ci sont mises en œuvre. A l’état d’ébauche, ce changement de paradigme est néanmoins largement salué par les personnes réfugiées ayant pu participer à ces instances et aux nombreuses activités évènementielles orientées autour de l’accueil et d’une meilleure intégration des réfugiés.

La fédération des acteurs de terrain autour d’une vision commune et de nouvelles actions

Pour servir la mise en œuvre du contrat, la Ville a également endossé un rôle de coordination et de médiation auprès des acteurs associatifs et institutionnels qui était nécessaire au système. Cela s’est notamment traduit par le déploiement et la mise à disposition d’outils d’information partagée et par une contribution à la circulation des informations : newsletter, glossaire, plateforme web.

Ces actions ont abouti à une réelle synergie des acteurs de l’intégration, dont l’acmé a incontestablement été le diagnostic réalisé au cours de 15 focus-groups ayant rassemblé 70 acteurs divers. Un progrès notable a consisté à faire venir de nouveaux acteurs autour de la table comme le SMTC. Cette dynamique reste à animer et à prolonger.

Au-delà des outils partagés, la ville a pris un rôle de plaidoyer auprès de la préfecture. Elle porte certaines demandes exprimées par la cohorte et dont elle se fait le relai et offre son soutien dans le cadre du suivi des procédures administratives. Cet accompagnement et cet engagement viennent combler un vide unanimement identifié par les acteurs de terrain.

Un des points forts du contrat résidait dans le lancement d’un appel à contribution destiné aux acteurs du territoire, auquel 80% de l’enveloppe était consacré. Le financement de treize nouvelles actions, sur les 26 qui avaient été proposées, par la transparence de la méthodologie mise en œuvre et par le caractère fortement incitatif de certains critères de sélection, a contribué non seulement au développement de nouveaux outils d’intégration des réfugiés sur le territoire (par exemple, le développement d’une application dédiée à la mobilité, ou encore la mise en place d’une chaîne YouTube consacrée au partage des cultures…), mais aussi à faire évoluer les acteurs associatifs sur des points cruciaux comme le travail en commun ou en consortium, la prise en compte et la participation des récipiendaires à la conception des actions et le développement d’actions intégrant une démarche de suivi individualisé.

La difficulté de juger la réussite d’une politique d’intégration

Répondre sous un angle évaluatif à la question de savoir si les actions mises en œuvre ont contribué à lever l’ensemble des freins à l’intégration rencontrés par les personnes réfugiées est une gageure. L’intégration réussie est une notion complexe, dont les acteurs du territoire ont bien relevé les multiples facettes : aboutissement d’un parcours en lien avec l’acquisition d’une autonomie au sein du lieu d’accueil (maîtrise de la langue, emploi, accès au logement et aux droits), l’intégration a aussi une dimension émotionnelle, celle du « chez-soi », relationnelle, celle de « l’être ensemble », et aboutit, in fine, à pouvoir exercer pleinement un rôle de citoyen. Définition mouvante et non exhaustive s’il en est, c’est pourtant bien de celle-ci qu’il faut partir pour mesurer l’ampleur de l’écart entre un avant et un après CTAIR.

C’est pourquoi la mise en œuvre, et aujourd’hui le prolongement du Contrat Territorial d’Accueil et d’Intégration des réfugiés, élargi aux primo-arrivants, peuvent être perçus comme des réussites en soi. Mobiliser les acteurs, mettre en place des actions ciblées, co-portées et aux objectifs individualisés sont en effet des éléments qui contribuent à faire de la place des réfugiés au sein de la ville un sujet à part entière. C’est un point de départ fondamental pour permettre une meilleure intégration de ceux-ci, en incluant l’ensemble des acteurs – y compris la société civile – pour faire de la ville un territoire authentiquement accueillant.